Quand la BD devient porte-voix des jeunes sur l’eau et le climat

Le concours #JeDessineMonEuropeVerte 2025 révèle des talents engagés. Faut-il toujours un rapport technique pour parler d’eau ? Pas forcément. À travers la bande dessinée, des jeunes de France et de Belgique ont livré leur regard sensible, parfois lucide, souvent poignant, sur une ressource devenue autant vitale que fragile.

Organisé par le CIDJ et le réseau Eurodesk, le concours #JeDessineMonEuropeVerte, dont le thème portait cette année sur l’eau, démontre que l’imaginaire peut aussi éveiller les consciences… et inspirer les professionnels du secteur.

Un fanzine pour une Europe verte, racontée par sa jeunesse

Lancé il y a trois ans, le concours de bande dessinée #JeDessineMonEuropeVerte invite les jeunes de 15 à 25 ans à s’exprimer sur les enjeux environnementaux à l’échelle européenne. Après avoir traité les thèmes de la biodiversité et du climat, cette édition 2025 était centrée sur l’eau, un fil conducteur universel et un marqueur profond des bouleversements écologiques en cours.

La bande dessinée, format narratif accessible et créatif, a été choisie pour permettre une expression libre, sans filtre ni discours formaté. Les participants devaient réaliser deux planches racontant une histoire originale, personnelle ou fictive, en lien avec le thème.

Les 39 finalistes ont été réunis dans un fanzine publié en ligne, révélant la richesse des récits et la diversité des styles.

Mais au fait, qu’est-ce qu’un fanzine ? C’est une publication souvent autoproduite, née des milieux amateurs ou alternatifs, qui donne toute liberté à ses auteurs. Une forme idéale pour accueillir les voix de la jeunesse : authentiques, inventives, percutantes.

De l’intime à l’anticipation : les lauréates 2025 et leurs messages

Le jury, présidé par le dessinateur et auteur Kokopello, a retenu quatre lauréates pour l’originalité de leur approche, leur qualité graphique et la justesse de leur propos. Une mention spéciale a également été décernée pour un projet très concret de réaménagement écologique.

• Chloé Le Moal (17 ans), lauréate dans la catégorie crayonné 15-17 ans, aborde la question de l’intelligence artificielle et de ses impacts environnementaux dans un contexte scolaire. Elle confie avoir voulu alerter sans culpabiliser : « J’ai choisi un trait léger, une palette douce. Si c’est trop brutal, le message passe moins bien. »

• Blanche Lherm (20 ans), primée en crayonné 18-25 ans, interroge les nouvelles dynamiques du cycle de l’eau liées au changement climatique. Son dessin sobre fait ressortir la tension entre les phénomènes naturels et les transformations anthropiques.

• Appoline Dulak (16 ans), lauréate assistée par ordinateur 15-17 ans, propose une BD empreinte de poésie triste sur la montée des eaux. Elle cherche à transmettre une émotion sincère : « Une histoire belle et triste touche davantage qu’un discours frontal. »

• Joanne Lorrain (22 ans), gagnante assistée par ordinateur 18-25 ans, puise dans ses souvenirs d’enfance et raconte les inondations de son village. Sa BD dépeint une eau sombre qui efface les couleurs… mais en laisse subsister quelques-unes. Un espoir visuel, discret mais tenace.

• Enfin, une mention spéciale a été attribuée à Benjamin Marquette (23 ans), qui propose un retour au concret : sa BD raconte comment il a transformé son jardin en espace écologique vivant, en restaurant des mares et en favorisant la biodiversité. Une forme d’engagement local, au plus près du sol.

Ce que ces récits enseignent aux professionnels de l’eau

Si ces jeunes artistes ne sont ni ingénieurs, ni hydrologues, leur parole mérite pourtant l’attention des acteurs du monde de l’eau. À travers des formats courts mais puissants, ils racontent une relation émotionnelle à l’eau, faite de craintes, d’adaptations, mais aussi de lien au vivant.
Ce que ces planches disent, c’est que l’eau n’est pas seulement un enjeu technique ou une donnée d’exploitation. Elle est vécue comme un élément sensoriel, symbolique, culturel. Les récits de ces jeunes apportent une matière précieuse à toute démarche de sensibilisation ou de médiation autour de la gestion de l’eau.

Ils rappellent aussi l’importance de changer de langage : moins de chiffres, plus de récits ; moins de schémas, plus d’histoires vécues. C’est une piste à explorer pour les collectivités, exploitants ou industriels qui cherchent à nouer un dialogue avec les citoyens, en particulier les jeunes générations.

Enfin, à l’heure où les inondations, la sécheresse, la montée des eaux ou les tensions sur la ressource deviennent des réalités locales, ces BD apportent un autre éclairage. Celui d’une jeunesse qui, au lieu de détourner le regard, choisit de dessiner ce qu’elle vit.

Une Europe plus verte… en couleurs

Le fanzine complet des 39 finalistes est disponible gratuitement en ligne. Il regorge de pépites graphiques, d’humour, de sensibilité et d’idées nouvelles. À lire pour découvrir comment une génération regarde l’eau, non pas comme un problème à résoudre, mais comme un élément vital à préserver, ressentir et raconter.

Pour les professionnels du secteur, c’est aussi une source d’inspiration. Non pour trouver des solutions techniques, mais pour mieux comprendre ce que l’eau signifie, au quotidien, pour ceux qui demain vivront avec ses excès… ou son absence.