Le traité, dans son article 1.9 intitulé « Droits et obligations relatifs à l’eau », stipule que « l’eau dans son état naturel, y compris l’eau dans les lacs, les rivières et les fleuves, les réservoirs, les aquifères et les bassins d’eau, ne constitue pas une marchandise ou un produit » que deux chapitres seulement s’appliquent à cette ressource, à savoir ceux sur le commerce et le développement durable (22) et sur le commerce et l’environnement (24).
Il est précisé qu’aucune disposition du traité « n’a pour effet d’obliger une Partie à autoriser l’utilisation commerciale de l’eau à quelque fin que ce soit, y compris son prélèvement, son extraction ou sa dérivation à des fins d’exportation à grande échelle ». Et que si un État délivre une telle autorisation, il doit le faire « d’une manière conforme » à l’accord.
Dans leurs prises de position communes, notamment dans le « guide » qu’elles destinent aux militants de la société civile, European Water Movement et Food & Water Europe soulignent que pratiquement tous les usages de l’eau impliquent qu’on la prélève dans son environnement naturel, ce qui signifie qu’elle pourrait dès lors être considérée comme un bien et comme un produit commercialisable soumis au dispositif canado-européen. Elles relèvent également que cet article 1.9 est à leurs yeux rédigé « dans un langage juridique très flou », sans que soient clairement définies des expressions comme « un usage commercial » ou « une source d’eau spécifique ».
Les ONG estiment également que le CETA remet en question la liberté qu’ont les États membres de l’Union européenne de choisir le mode de gestion de leurs services d’intérêt économique général. Actuellement, la plupart d’entre eux autorisent à la fois les gestions publique et privée des services de l’eau, hormis l’Angleterre qui a opté pour une gestion uniquement privée. Or le traité prévoit non seulement que les entreprises privées pourront être consultées pour toute procédure législative concernant le commerce ou l’investissement, mais aussi qu’elles pourraient la faire annuler si elle est jugée contraire à leurs intérêts.
C’est précisément le statut spécial de la juridiction prévue pour l’arbitrage d’éventuels différends entre les États et les investisseurs privés qu’a longtemps contesté le Parlement belge de Wallonie. Celui-ci estimait en effet que le traité n’offrait pas assez de garanties quant à la neutralité et à l’indépendance de ce tribunal arbitral, ce qui selon lui pourrait mettre en péril certaines politiques publiques dans des domaines comme ceux de la santé et de l’environnement.
« CETA va ouvrir la porte à l’accaparement de l’eau par les entreprises et va accroître la marchandisation des ressources en eau », déclarait David Sánchez, de Food & Water Europe, dans un communiqué publié le 17 octobre 2016. « En outre, il crée une nouvelle incertitude juridique pour les pouvoirs publics qui fournissent les services de l’eau”.
Sur son site web, l’Union européenne répond que les gouvernements ne seront nullement contraints de privatiser ou de déréglementer des services publics tels que l’approvisionnement en eau, la santé ou l’éducation, qu’ils resteront libres de décider quels services doivent rester publics et universels et qu’ils pourront continuer à les subventionner.