Paroles de Jean LAUNAY, président du Comité National de l’Eau

par | 27 Fév 2023

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Paroles de Jean LAUNAY, président du Comité National de l’Eau

Episode n°1 du Podcast Paroles par Monreseaudeau.fr – Jean Launay

Vous écoutez Paroles le podcast de Monreseaudeau.fr présenté par Arnaud HÉTEAU.

Ce podcast a pour vocation de donner la parole aux personnes travaillant pour les acteurs des infrastructures des réseaux d’eau. Contactez-nous si vous souhaitez y participer.

Edité en 2016, Monreseaudeau.fr est l’unique site d’infos édité par des pros, pour des pros des réseaux d’eau. 

Au travers de « Paroles par Monreseaudeau.fr », l’objectif est de donner un format audio à notre audience de plus de 8200 professionnels du monde de l’eau pour leur permettre de s’informer autrement et à tout moment selon leurs propres habitudes de consommation d’information. 

 

Présentez-vous, quelles sont vos responsabilités ? Qu’avez vous fait dans le monde de l’eau jusqu’à ce jour ? 

Je trempe dans les sujets de l’eau depuis 35 ans, ça a commencé par mes fonctions des lieux locales dans le Lot, maire d’une commune qui gérait son eau en direct et qui avait deux petites rivières qui connaissaient quelques débordements donc forcément on est déjà confronté au sujet de l’eau.

Dans le même temps, j’étais conseiller général, c’était l’appellation à l’époque du département du Lot et assez rapidement vice-président chargé de l’environnement du tourisme et des aménagements.

J’ai eu à vivre les débuts de l’établissement public interdépartemental Dordogne sur sur le fleuve Dordogne et à suivre les aménagements qui avaient été fait, les investissements du département sur la rivière Lot pour réintroduire la navigation de loisirs.

Ensuite c’est comme député à l’Assemblée nationale que j’ai poussé à la création du groupe d’études sur les politiques de l’eau puisque il n’existait pas et donc j’ai été assez naturellement pendant mes 19 ans de mandat parlementaires porte-parole de mon groupe politique sur les sujets de l’eau, jusqu’à devenir président du Comité national de l’eau en 2012.

De 2012 à 2017, en tant que parlementaire, fonction que je continue d’exercer, désigné comme personnalité qualifiée par les ministres de l’Environnement successifs.

En plus, j’ai eu des fonctions associatives que j’ai présidé de 2016 jusqu’à 2022, ce qui m’a donné aussi une vision sur l’international puisque le partenariat français pour l’eau porte des plaidoyers sur les objectifs de développement durable, sur le lien entre l’eau et le climat, sur la biodiversité les solutions fondées sur la nature et sur le traitement de l’urgence dans l’accès à l’eau.

 

Quel est le rôle du Comité National de l’Eau aujourd’hui dont vous êtes président ?

Le Comité National de l’Eau est une instance consultative qui se réunit quatre fois par an en plénière mais qui a aussi un certain nombre de commissions plus spécialisées.

Je prends le dernier exemple en date du point de vue de la saisie politique du gouvernement sur le plan haut de la planification écologique, le CNE a été saisi comme l’ont été tous les présidents des comités de bassin en France pour répondre dans des délais courts (novembre et décembre) sur les questions qui ont été posées.

Car il s’avère que l’été 2022 est très marqué par une sécheresse très forte, ce qui a poussé le gouvernement à répéter les appels à la sobriété, au partage, aux multi-usages de l’eau.

On partage en effet une ressource qui sera de plus en plus rare, les glaciers fondent, l’eau de la Garonne est très basse, les nappes phréatiques ont du mal à se reformer naturellement et spontanément…

Donc il faut veiller à cet ensemble de choses qui touchent à la fois au milieu et à l’accès à l’eau pour toutes les activités économiques ou non économiques.

Les milieux font partie et ont besoin aussi de garder de l’eau suffisamment pour nous laisser une biodiversité faunistique et floristique à la norme.

 

Pouvez- vous me donner votre analyse sur les défis et les enjeux des acteurs du monde de l’eau ?

Je voudrais vous faire partager une conviction, c’est que cette émiettement de la maîtrise d’ouvrage est un handicap.

En prenant l’exemple de ce qui s’est passé cet été, en effet le gouvernement a communiqué après l’été en disant « une centaine de communes a été en coupure ou en difficulté d’approvisionnement ».

Mais j’ai demandé dans le cadre du dernier processus en cours de la planification écologique qu’il était indispensable de sortir de l’incertitude en sachant précisément combien de communes avaient été en coupure et lesquels et ainsi pouvoir chercher les raisons.

Je suis convaincu qu’il y a une corrélation forte entre une non-intégration des collectivités dans des structures qui permettent d’assurer des interconnexions au prétexte de maintenir un prix bas, mais le résultat de cette non-anticipation, c’est la souffrance dans des situations difficiles. Il faut réussir à sécuriser l’accès à l’eau par des interconnexions

 

D’après- vous, est-ce un problème de financement des rénovations ou des recherches de fuite ?

Dans la première phase des assises de l’eau en 2018, les maintiens des financements avaient été actés et également la possibilité d’avoir le recours à l’emprunt par les aqua-prêts qui étaient fournis par la Caisse des dépôts et la banque des territoires. Le recours à l’emprunt n’est pas une chose communément acquise dans la tête des élus et pourtant ce sont des travaux lourds qui durent longtemps et des aqua-prêts étaient quand même sur une durée de 60 ans.

Donc je crois que c’est vraiment la capacité d’organisation de la maîtrise d’ouvrage, le recours au moyen des agences et le recours à l’emprunt et puis une capacité d’autofinancement qui à mon sens continue de subsister dans les collectivités de l’eau.

Pour passer à l’action et résoudre ce problème du sous-investissement chronique des collectivités sur l’eau, le défi climatique nous l’impose.

D’autant que les fuites qui représentent 20% environ, chiffre qui cache des disparités très importantes. Un bon nombre de collectivités où le taux de fuite est supérieur à 20% et c’est peut-être là aussi qu’il convient d’agir.

 

Quels sont les enjeux de la planification écologique ? 

La qualité des masses d’eau c’est un enjeu que nous tenons de la directive cadre européenne et le bon état des masses d’eau c’est aussi une ambition qui est inscrite dans la planification écologique du gouvernement.

La qualité est primordiale, quelle que soit l’usage qu’on fait de l’eau : l’alimentation d’eau potable, l’alimentation du bétail, les usages économiques agricultures, industrie, tourisme et puis le respect des milieux eux-mêmes.

Le bon état des milieux suppose qu’il y ait aussi un minimum d’eau qui continue de couler dans nos rivières et dans nos cours d’eau, c’est également le respect des nappes phréatiques, le respect des nappes profondes, le respect des zones humides.

Avoir dans les politiques d’urbanisme un lien fort avec la prise en compte de l’eau, des imperméabilisation des sols, lutte contre l’artificialisation donc un lien entre les documents d’urbanisme les plans locaux d’urbanisme et les schémas de cohérence d’organisation territoriale.

Tous ces sujets, nous en avons débattus dans le cadre des travaux du CNE et je crois que sont des axes de travail que le gouvernement va encourager à suivre.

Pour cela il faut sur les territoires des acteurs qui s’emparrent, qui partagent ces objectifs sur les questions de petits cycles, de de rénovation des réseaux, la lutte contre les fuites,  mais aussi sur les questions de grands cycle qui embarquent avec eux les enjeux qualitatifs.

 

Est-ce qu’il y a des initiatives qui vous marquent concernant la qualité des masses d’eau dans le milieu naturel ?  Est-ce que il y a des acteurs qui sortent du lot aujourd’hui ?

Je suis obligé d’évoquer les endroits où il y a des tensions, et il y a des tensions quand les conditions de l’accès de chacun n’est pas garanti ou quand certains acteurs ont le sentiment que d’autres mobilisent la ressource pour leur seul usage.

En effet, c’est la question des retenues d’eau, du stockage de l’eau qui est posée, c’est évidemment la plus complexe à régler donc il n’y a que le dialogue local approfondi, il y a que l’implication des élus qui ne doivent pas se cacher devant ces sujets difficiles qui peut permettre d’avoir des discussions saines et franches à partir de bons diagnostic pour dire ce que le territoire peut accepter demain ou pas.

Jai le sentiment qu’alimenter des plans d’eau artificiels n’est plus acceptable dès lors que l’on puise dans les nappes profondes d’une ressource qui a aussi du mal à se renouveler.

Il faut avoir la capacité d’objectiver le débat local pour les passionnés même si j’ai bien conscience qu’on est souvent dans des situations complexes et que la sécheresse, que le dérèglement climatique contribuent à rendre plus prégnant.

 

D’après-vous, la surveillance de la qualité de l’eau va être un sujet encore plus important demain ? 

Oui, j’en suis convaincu, elle l’est déjà, on a déjà des entreprises qui savent faire en matière de biosurveillance, elles sont identifiées au sein de la filière française de l’eau, elles sont connues du ministère de la transition écologique et de la direction de l’eau et de la biodiversité

L’incertitude elle existe dans les conditions dans lesquelles l’Europe va faire évoluer les recherches sur les substances, à la fois dans le calendrier à venir et dans ce qu’il sera exigé.

En effet, je réclame de la clarté là-dessus, avec des contraintes qui seront partagées mais je cherche à avoir le la lisibilité sur ce sujet .

Cela nous renvoie à a question qui a été également abordée dans le cadre de la planification écologique du recours à la réutilisation, Christophe Béchu dit souvent que la France est à moins de 1% d’utilisation, en comparaison avec l’Espagne ou Israël ou c’est beaucoup plus.

Ce sujet nécessite aussi de la transversalité dans l’action de l’État et un dialogue approfondi qui doit s’améliorer pour que l’on progresse collectivement à la fois sur l’ambition, sur la connaissance et donc forcément sur les moyens à mettre en œuvre pour réussir à avoir une meilleure utilisation de cette eau.

Acteurs cités dans cet article

France Eau Biosurveillance

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